Gotham City
La ville monde aimerait que je lui revienne
sa flamme phare dressée comme un fanal
sa couronne d’épines sur son front de métal
elle m'attend, froide, verte, olympienne
La ville piège veut que je me souvienne
elle m'appelle de sa voix vibrante
m'envoie des images envoûtantes
des plans de nuits américaines
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Des souvenirs, j'en ai de trop
j'avais vingt ans quand la première fois
j'ai contemplé ses formes à travers le hublot
suivi des yeux ses îles et ses détroits
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Quand j'arrivais en ville par la gare centrale
les deux tours occupaient encore Ground Zéro
Manhattan levait vers le ciel, désinvolte et hautaine
son arrogance suggestive de moraliste puritaine
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Nous fêtions le 14 juillet dans Little Italy pavoisée
la grosse pomme se laissait croquer
de rues en avenues, de Chelsea à SoHo
du Village à Broadway, de Wall Street à Harlem
Circuler en métro et marcher, c’était cool
disparaître un moment dans la foule
puis traverser la baie, emprunter le ferry
lever bien haut la main pour héler un taxi
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Courir dans Central Park, flâner sur la cinquième
revoir Pollock, Rothko, Bauer et Kandinsky
gravir les galeries du musée Guggenheim
et le soir découvrir un nouveau musical
Relire Dos Passos, Paul Auster, Henri James
​dans un café léger noyer notre âme
et nos sandwiches au pastrami
au comptoir en zinc d'un déli
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Côtoyer la Sicile et pour la Saint-Patrick
la verte Erin et les chaudrons magiques
le yiddish de Brooklyn et la pâque chrétienne
fashion week, fric facile, les idoles païennes
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Survoler l’Hudson et les docks
admirer les lanternes dorées de Chinatown
les austères perrons des brownstones
grimper ensemble au top du Rock
Être avec toi encore, être jeune à nouveau
traverser l’océan pour gagner l’amérique
prendre la route one, s'envoler pour Frisco
retrouver le chemin du pays chimérique​
Mais avant de partir...
Levons les yeux vers les fausses étoiles
du drapeau flottant sur un monde à genoux
et sur la lune aussi, abandonnée à ses cailloux
débusquons l'araignée au centre de la toile