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À tire d'elle

Elle voudrait s’enfuir et quitter la volière

comme si elle avait des ailes à déployer

mais elles sont rognées. C’est un oiseau blessé.

Dans sa cage l’eau fraîche et les grains de sésame

désaltèrent sa gorge et apaisent sa faim

elle peut sautiller du perchoir au plancher

pour chercher sous la paille des miettes oubliées

et dès que le soleil est plus doux ou plus haut

nous ouvrons les volets pour la mettre au balcon

elle peut respirer l’air embaumé des treilles

passer la tête à travers les barreaux mordorés

 

Elle craint le regard du chat, la voix du chien

quand nos mains se rapprochent, elle fuit

les perles de ses yeux s’agitent, son bec tremble

et ses plumes légères se dressent sur son front.

Nous voulions lui donner un ami de cagée

mais elle nous aurait peut-être moins aimé

toute occupée de lui, lui donnant la becquée

surveillant son sommeil et lissant son duvet.

Nous avons préféré la laisser voleter 

seule, sans s’accoupler, sans avoir de nichée 

ignorant le péché d’aimer et de trahir 

​

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Elle peut s’assoupir dans la chambre dorée

dont nous voilons les grilles quand le soir est tombé

pour que l’obscurité ne prenne au dépourvu 

sa cervelle fragile, son âme délicate.

Quand son souffle ténu s’apaise dans le noir

elle ferme les yeux et elle rêve en bleu

délaissant le berceau où nous la retenons

pour s’échapper enfin vers l’azur, loin de nous.

Alors, son chant s’élève au profond de la nuit

jusqu’à l’aube naissante. Et elle nous oublie

nous qui croyant l’aimer, l’avons emprisonnée.

2020
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