
À tire d'elle
Elle voudrait s’enfuir et quitter la volière
comme si elle avait des ailes à déployer
mais elles sont rognées. C’est un oiseau blessé.
Dans sa cage l’eau fraîche et les grains de sésame
désaltèrent sa gorge et apaisent sa faim
elle peut sautiller du perchoir au plancher
pour chercher sous la paille des miettes oubliées
et dès que le soleil est plus doux ou plus haut
nous ouvrons les volets pour la mettre au balcon
elle peut respirer l’air embaumé des treilles
passer la tête à travers les barreaux mordorés
Elle craint le regard du chat, la voix du chien
quand nos mains se rapprochent, elle fuit
les perles de ses yeux s’agitent, son bec tremble
et ses plumes légères se dressent sur son front.
Nous voulions lui donner un ami de cagée
mais elle nous aurait peut-être moins aimé
toute occupée de lui, lui donnant la becquée
surveillant son sommeil et lissant son duvet.
Nous avons préféré la laisser voleter
seule, sans s’accoupler, sans avoir de nichée
ignorant le péché d’aimer et de trahir
​

Elle peut s’assoupir dans la chambre dorée
dont nous voilons les grilles quand le soir est tombé
pour que l’obscurité ne prenne au dépourvu
sa cervelle fragile, son âme délicate.
Quand son souffle ténu s’apaise dans le noir
elle ferme les yeux et elle rêve en bleu
délaissant le berceau où nous la retenons
pour s’échapper enfin vers l’azur, loin de nous.
Alors, son chant s’élève au profond de la nuit
jusqu’à l’aube naissante. Et elle nous oublie
nous qui croyant l’aimer, l’avons emprisonnée.
