
Noir désir
Elle était la source où j’étanchais
Ma soif de vivre et la pomme
Qu’elle me tendait savait rassasier
mon ventre et mon coeur d’homme
Mais elle avait de ses manières
Des oeillades, des rires en coin
Elle était si belle et si fière
Ses yeux se posaient au lointain
Elle rêvait. Puis soudain elle s’élançait
Je la voyais, flamme et brasier
tourbillonnante, radieuse, allumée
J’envisageais des dérobades
en suivant des yeux ses vertiges
Ses pas glissés, ses escapades
son grand numéro de voltige
Elle dansait. Vertueuse vestale
D’un temple dont j’étais exclu
Elle me faisait, femme fatale
Passer les portes de l’enfer
Son corps semblait offert
Son âme m’était défendue
Elle riait. Sa gorge palpitait
Je l’entendais, trille, roucoulement
Bouche arrondie, lèvres tremblées
rayonnante, ivre, transportée
Je percevais dans ses roulades
l’aveu de mon bannissement
Je sentais qu’elle s’envolait
sur trois notes, sans un regret
Je serrais les poings, je voulais
la retenir ou la reprendre
Son cou gracieux et tendre
se levait au ciel, s’allongeait
Elle criait. Il fallait que j’écoute
C’était mon nom sans doute
Qu’elle jetait au vent mauvais
Je tendais les mains, je savais
Que je devais fuir, m’éloigner
Car je l’aimais d’un amour forcené
Elle pleurait. Ses paupières lassées
Se fermaient. Je serrais sa vie
Sous mes doigts. Son souffle ralenti
Contre le mien, s’épuisait à combattre
Elle finit de supplier, de se débattre
Son coeur enfin cessa de battre
Et par assentiment, le mien aussi.

