Gomorrha
Ils resteront comptables
de l'indifférence coupable
qu'ils ont montré à ton égard
quand les digues ont cédé
sous les flots déchaînés
ils t’ont regardée te noyer
comme si ton âme était damnée
ils sont venus tels des pillards
et comme eux ils sont repartis
ne te laissant que leur mépris
​
ils ont chassé ceux qui t’aimaient
qui connaissaient tous tes secrets
même les flics se sont tirés
l’ouragan furieux est passé
ils ont dit que dieu le voulait
que c’est le poids de tes péchés
qui a fait déborder le lac
et purifié tous tes cloaques
que ce sont tes chants de pleureuses
qui ont attiré la faucheuse
ils ont dit qu’après ce coup-là
tu ne te refuserais pas
que tu serais plus raisonnable
que tu deviendrais convenable
en acceptant que le Carré
se change en parc à la Disney
que les bars de Bourbon
ferment ou changent de nom
que les temples vaudous
soient enfin déclarés tabou
​
l'impétueuse Katrina
leur a permis vengeance
mais si tu devais, indomptable Nola
à leur rythme entrer dans la danse
ma sulfureuse, mon ardente
improbable cité sang-mêlée
trop métissée, trop insolente
trop belle pour être abandonnée
si pour toi tout a vraiment changé
je ne reviendrai plus jamais
pour Noël ou pour mardi-gras
écouter dans les bars
s’éclater les trompettes
les clarinettes, les claviers
regarder swinguer les divas
les Billie, les Bessie, les Nina
laisser les bons temps rouler
aller dans les rues au hasard
goûter dans le patio créole
d’une belle casa espagnole
la fraîcheur des fontaines
côtoyer les cartomanciennes
les barbouilleurs de Jackson square
suivre au pas un jazz funeral
prendre le tramway sur Canal
​
Tremé est un quartier branché
les bars de Frenchmen street
ont récupéré les touristes
au Café du Monde épargné
on peut toujours se régaler
de beignets, de cafés au lait
du côté de Garden District
ce sont encore les quartiers chics
mais l’âme de Crescent City
a été emportée, submergée
The Big Easy, c’est bien fini