Ombre de vie
Il est vrai que je suis désormais si ténue
si vieille et amaigrie
qu’on ne voit plus de moi qu’un souvenir têtu
et l’ombre d’une vie
J’imaginais l’avoir parcourue d’une traite
avoir marché plus vite
mais je n’étais pourtant ni gaie ni satisfaite
seulement interdite
Car tout était écrit dès le petit matin
les défaites, les joies
tout était décrété, un avenir certain
je n’aurais pas le choix
Aux premiers jours déjà il y avait le néant
le silence, la peur
et devant moi toujours un abîme béant
le vide, la douleur
Il y aurait partout des murmures indistincts
qui me tourmenteraient
je ne saurais jamais où allait ce chemin
ni où il commençait
Je n’aurais pas assez de rires et de soleil
pas assez de chaleur
j’aurais trop de nuits blanches et de mauvais réveils
pas assez de douceur
Il est vrai que pour moi tout est arrivé tard
quand je n’espérais plus
que les derniers adieux et le prochain départ
dont l'heure était venue
J’ai longtemps été jeune et j’ai tant attendu
qu’on ne sait plus de moi qu’un souvenir perdu.