Out of Africa
Mes premières lectures
me l’ont toujours promis
cette terre africaine
un jour serait la mienne
quand le lion des savanes
deviendrait mon ami
un homme mince et sombre
m’apprendrait les secrets
l’origine du monde
les espoirs du futur
quand à la nuit tombée
le ciel illuminé
de lueurs si lointaines
nous ferait couverture
à la mode kenyane
Quand j’ai posé le pied
sur la terre sacrée
le ciel flambait
d’un soleil blanc si haut
mes yeux brûlaient
l’air était sec, très chaud
la poussière dansait
sous le vent trop léger
et les arbres pliaient
leurs fines feuilles brunes
ma bouche se gerçait
les odeurs de viande grillée
de bière de sorgho
d’épices et d’avocats
s’agitaient sous mon nez
Les rues se soulevaient
en sable sous mes pas
aux étals du marché
je découvrais l'éclat
des rires dédaigneux
des femmes en kanga
le pas traînant des vieux
et les regards inquiets
des gamins si joyeux
la pauvre ville de fortune
l’ivoire interdit que l’on cache
à l’aéroport sous des bâches
les hommes d’affaires invités
dans les ambassades fermées
la diplomatie opportune
​
Mère nature criminelle
les dieux, les idoles cruelles
le maïs qui ne pousse plus
le café que la grêle tue
l’antilope gracile qui fuit
la majesté du lion qui la poursuit
ce lac immense sous la lune
les collines au loin sous la brume
la pluie qui lâche son écume
sur les fermes africaines
d'un conte de Karen Blixen
et les mines du roi Salomon
qui s’enfoncent aux tréfonds
de la terre d’argile
jusqu’aux sources du Nil
Les ethnies de la haine
qui font forger leurs chaînes
aux fusils des soldats
des machettes des coutelas
les gens exterminés
parce que leur nez camus
ou leur corps élancé
les dénonçaient hutu
les proclamaient tutsi
aux yeux de leur tribu
la terre ensanglantée
recouvre les charniers
et le pays entier se tait
incrédule étonné dévasté
par sa propre folie
​
​
Athanase, Marc, Amiya
vous avez disparu
Burundi Congo Rwanda
je ne reviendrais plus
je ne vous aime plus
Tous me l’avaient prédit
Kessel, Monfreid, Gary
cette terre africaine
un jour me ferait peine