Jeunesse païenne
Clare Elsaesser
Quand j'étais une jeune païenne
Je préférais les demoiselles
aux petits seins menus
aux longues jambes de gazelle
les bustes étroits de chinoises
les bouches tendres mensongères
je draguais les mômes ambigües
je guettais les regards voilés
couleur d’ébène, de béryl
d’aigue-marine, de turquoise
les sourires entendus
les allusions coquines
j'aimais les épaules graciles
les pieds serrés dans les sandales
les cous de cygne, les salières
les côtes saillantes, pointues
les démarches félines
la grâce garçonnière
des filles indociles
J'allais m’étendre dans leur lit
étreindre leur hâte, leurs râles
savourer de nouveaux désirs
dévorer des lèvres rosies
provoquer, feindre des soupirs
caresser, jouir avec elles
je les quittais et j'oubliais
jusqu’à leur prénom et leur rire
quand elles s’ennuyaient
préférant les laisser partir
si elles ne voulaient plus jouer
à nos amusettes lesbiennes
mes charmantes bergères
mes formes inversées
mes sosies infidèles
aux miroirs fragmentés
étoiles éphémères
impudiques Hélènes
Préférences anciennes
Y'avait Dine y'avait Chine
Y'avait Claudine et Christine
Ah ! ah ! Catherinette et Catrina !