Urbi et orbi
Pour ton anniversaire,
j'avais eu une idée d'enfer
t'emmener en pélerinage
dans la cité du Caravage
Je rêvais de vacances romaines
puisque tous les chemins y mènent
ce serait la dolce vita
sans Marcello ni Maddalena
toi et moi à cinecittà
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Tu serais Marc-Aurèle et je serais Faustine
en allant contempler du haut des sept collines
l’empire retenu sous les murs d’Aurélien
et remontant le temps jusqu’à la république
je t’aurais récité toutes les Bucoliques
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En épuisant ce qu'il me reste d'italien
je t’aurais raconté en marchant au hasard
les barbares vaincus au pied des douze portes
le triomphe de Jules et la mort de César
les trahisons d'Antoine que l'Egypte supporte
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Nous aurions déploré les horreurs de l’histoire
l'incendie de Néron, l'ordre mussolinien
et déposé un cierge dans les vieux oratoires
pour conjurer enfin le funeste destin
des déesses et des dieux romains
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Sous les voûtes de la Sixtine
accusant les prélats de l'Eglise latine
des crimes secrets, des arcanes
des impostures vaticanes
nous lèverions les yeux vers le dieu de colère
Dans le quartier du Trastevere
en retrouvant les clefs perdues
du vieux ghetto, sans le savoir
nous aiderions les disparus
à s’échapper du purgatoire
Je nous voyais déjà
aux portes du Palais Farnèse
sur la Piazza di Spagna
arrosant de grappa
nos cafés, nos zuppa inglese
Comme Sartre et Beauvoir
arpentant la Piazza Navona
dans la fraîcheur du soir
dînant sur le Campo
de saltimbocca alla romana
​
Mais pour nous consoler de nous
j’ai dû jeter deux sous
dans la fontaine de Trévi
en rêvant de venir vivre ici
pour m’inventer une autre vie
40 ans en chiffres romains
deux rides en plus sur ton visage
tu n’as pas aimé le voyage
et j’en ai perdu mon latin