L'heure dorée
S’il nous fallait une chanson
ce serait une valse lente
vent du soir sur le fleuve en feu
lueur d’aube sur la rosée
un baiser qui mouille les yeux
un regard qui lèche la peau
Tes mystères accordés aux miens
dans nos coeurs la houle, l’orage
tant d'improbables paysages
des statues d’ivoire, de sel
pour ton âme la longue lame
et pour la mienne le couteau
Tes bras pour fermer le chemin
pour garder au loin le vacarme
suivre paisiblement la route
entendre l’écho, le silence
sentir couler la nostalgie
écouter le bruit des péchés
Ta voix venue de ma mémoire
parfaite et douce comme un souffle
sur mes cheveux et sur mes cils
dans mon cou la brise légère
de tes mots murmure de miel
contre mon oreille et mes doigts
Mes lèvres closes sur tes rêves
ta nuque au pli de l’oreiller
ton corps endormi en désordre
mes pensées cachées sous ton front
ma bouche en libre fantaisie
et sous tes paupières mes songes
Il sera trop tard bien trop tôt
quand les ombres menaçeront
que le bois flambant s’éteindra
tisons d’encre, papier noirci
il faudra désunir nos mains
laisser nos sommeils se déprendre
Des images floues au miroir
et sur la chaise bien pliées
ma robe sur tes souvenirs
mes pensées au fond de tes poches
au col de ta veste mes doutes
et sur mes poignets tes chagrins
Le soir nous piège et déjà le matin
en guet-apens veut nous reprendre
sans faillir trouvons le sillage
la trace salée, fugitive
la douce foulée, la brisure
qui dessine en creux notre lit
Hier et demain se confondent
aujourd’hui est une détresse
horizon brouillé, lourds nuages
rochers érodés, pierres sombres
déserts stériles, branches nues
vacillant au bord des ravins
Dans la nuit fiévreuse, blessée
souviens-toi, notre amour luisait
comme nacre, comme un reflet
de lune argentée glissant sur la rivière
un éclat d’étoile perlé, un frisson
dans le miroitement de l’eau
Nous avions célébré nos noces
au jour tombant, au clair obscur
avant que la réalité revienne
nous imposer son contrechant
était-ce la fin de l’été ou l’automne
nos vingt ans, notre heure dorée.