

La Dame du Lac
Il brillait sous la lune, étendue scintillante
de milliers de cristaux aux reflets irisés
bordée d’arbres graciles et de roses givrées
qui levaient vers le ciel leur robe transparente
J’aimais ce lac cerné de dentelles d’écume
qui abritait une île mystérieuse et sacrée
Avalon incertaine, enfoncée dans les brumes
dont seul l’amour en moi connaissait les secrets
Me serais-je élancée sur cet étang gelé
si j’avais su que l’eau sous la glace était noire
et perçante la lame des patins sous mes pieds
aurais-je traversé sans peur ce grand miroir ?
Si j’avais ce jour-là contourné la rivière
ignoré sur la berge les roseaux pétrifiés
si je m’étais méfiée des marais, des tourbières
si je m’étais gardée des vapeurs argentées
Aurais-je pour autant conjuré le mensonge
que dessinait en boucles blanches sous l’acier
cette surface lisse et douce comme un songe
que ma danse frôlait sans craindre le danger ?
A la cime bleutée de ces forêts anciennes
je scrutais le départ des oiseaux vers l’été
mon esprit s’égarait en croyances païennes
et je doutais plus fort des ombres du passé
J’aimais de ce pays l’implacable froideur
et je prenais hélas pour un marbre précieux
le mélange subtil de formes et de couleurs
que proposaient à l’oeil ses détours silencieux
Me serais-je avancée vers la plaine enneigée
si j’avais su la boue sous la poudre légère
et que dans son étau mes pas seraient figés
quand je voudrais enfin échapper à l’hiver ?
Si j’avais mieux compris les nuances de l’eau
reconnu sur le sol l’oscillation du vent
si j’avais du brouillard démêlé l’écheveau
et des signes célestes suivi le mouvement
Aurais-je pour autant réussi les glissades
les axels, les saltos, les grandes arabesques
évité la gadoue, le dégel, prévenu la noyade
et sauvé du redoux mon âme romanesque ?
