
Douce-amère
Aux environs de Fès
en route pour Meknès
j’ai vu Moulay Idriss
ville sainte et parfaite
où l'enfant du prophète
repose pour l’éternité
sur la douce colline
à l’endroit qui domine
les ruines de Volubilis
sous un arbre qui penche
sous une pierre blanche
et un ciel étoilé
Je choisis de mentir
ne pas citer Paris
qu'il pourrait me décrire
et du coup c’est bien pire
Grenoble ! s’exclame mon ami
j’ai passé vingt ans de ma vie
aux abords de Fontaine !
selon ce fier bédouin
nous sommes donc cousins
enchanté de l’aubaine
mon galant marocain
sous son auvent m’entraîne

Préférant échapper
aux visites guidées
– des ruines romaines
j’en ai vu par centaines –
je me réfugie sous la tente
d’un vendeur d’affutiaux
trouvant l’ombre plaisante
je marchande un cadeau
nous voilà discutant
bavardage impromptu
dialogue charmant
qui es-tu ? d’où viens-tu ?
Il me sert du café
m’enveloppe, m’agrippe
nous tend son narghilé
propose cent chameaux
au chef de notre équipe
qui malgré qu'il en eût
lui oppose un refus
en homme sans rancune
mon berbère déçu
m’offre des souvenirs
talisman de fortune
et babouches en cuir
Je suis si bien reçue
cela devrait me plaire
pourtant je suis déçue
je me sens douce-amère
Si l’impression de déjà-vu
me souhaite ailleurs la bienvenue
à quoi bon d'autres paysages ?
J'ai perdu le goût du voyage.
