En début de saison, avant les blés fauchés
Avant que les moissons rabattent sur le sol
L’éteule de l’automne et le foin pour l’hiver
Nous ferons avec zèle d’inviolables serments
Que nous ne tiendrons pas ou que nous oublierons
C’est que nous sommes neufs, innocents et joyeux
Oui, nous sommes heureux dans le jardin d’Eden
Rêvons encore un peu avant le crépuscule
Laissons trainer nos mains dans l’onde fugitive
Plus tard, nous goûterons les pommes et les noix
Le raisin fermenté nous tournera la tête
Et nous pourrons danser, nous enlacer et rire
Jusqu’à perdre le souffle, jusqu’à tomber par terre
Tant que nous sommes encore au début du voyage
Encore aimés des dieux, préparons des offrandes
Rendons grâce, renouvelons nos voeux
Et prenons avec nous en guise de bagage
La liberté, la force, la confiance, l’amour
Les dons que nous avons reçu en héritage
Dans le jardin secret, abondant, éphémère
Des illusions perdues
Le temps d’une journée, d’un baiser, d’une vie
Dans le jardin d'Eden
Dans le jardin sauvage où nous avons grandi
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Les arbres étaient debout, les branches vigoureuses
Les bourgeons au printemps se gorgeaient de douceur
Aux premiers jours d’été, les grands troncs se courbaient
Sous la charge des fruits charnus et mûrissants
Agitée par le vent l’herbe neuve ondulait
L’eau fraiche dévalait les ruisseaux en cascade
La sève s’élançait jusqu’à nos cœurs battants
Et nos fronts audacieux rayonnaient d’espérance
Notre temps s’écoulait, rapide et impatient
Le matin se levait en éclats de vermeil
De rose et d’or fondue l’aurore s’allumait
Et le jour en naissant était une promesse
Elle couvrait les plaines et les bois alentour
Les routes et les chemins que nous emprunterions
Avec entêtement, courage, avec fierté
Quand l’ombre du cadran approcherait midi
Quand viendrait l’heure de grandir, le moment de partir
De laisser le jardin sauvage à l’abandon
Les buissons alourdis sous le parfum des fleurs
Et la pulpe des fruits éclatée sur les feuilles
Le soir, nous aurons beau mettre nos mains en coupe
Pour recueillir au creux de l’eau claire, des baies
Elles resteront vides malgré notre insistance
Rien ne viendra de soi
Il faudra cultiver, apprendre, travailler
Interroger le ciel et scruter les étoiles
Confronter les mystères, se montrer résolus
Oser, puis se reprendre, parfois abandonner
Trop souvent se méprendre, oublier l’essentiel
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Nécessité fait loi nous disent les proverbes
Elle fera bien plus, creusera un abîme
Elle nous guidera implacable, impavide
Vers le renoncement, la capitulation