Failles temporelles
Fabian Perez
Si tu étais venu plus tôt dans la journée
nous aurions pu – marchant dans cette rue –
nous croiser sur la place au détour d’un café
échanger des propos futiles ou sentencieux
parler de tout, de rien et du temps qu’il ferait
rapprocher notre chaise pour nous entendre mieux
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et puis nous regardant – enfin marché conclu –
nouer nos doigts ensemble, reprendre le chemin
qui mène à la maison – où fermant les volets –
pour garder le soleil caché entre nos bras
nous redire bonjour, entrelacer nos mains
rouler dans le grand lit en repoussant les draps
respirer sur nos lèvres les mots et les soupirs
sur nos corps dénudés rallumer la lumière
embrasser sur ta bouche la chamade des rires
garder ta main serrée, te caresser sans fin
ton doux regard inquiet posé sur mes paupières
quand je rêve de toi – quand tu ne le sais pas —
embrasser les sillons, les rivières, les creux
où nous avons caché le passage des ans
avec courage, ignorance, avec entêtement
découvrir les égarements, les scrupules
de nos âmes troublées, de nos coeurs impatients
embrasés, fragiles, amoureux, incrédules
quand nous tendons la main chacun à sa manière
pendant que tu t’évades ou que je me repose
quand s’égare soudain l’espoir qui nous inspire
la crainte de se perdre, la confiance ébranlée
nos doigts entremêlés dans l’attente du pire
quand le goût du bonheur – pourquoi ? – prend une pause
nous aurions pu peut-être – nous rencontrant hier –
inventer une nuit plus longue en plein été
puis rallongeant le jour du milieu de l’hiver
remettre notre automne aux heures de printemps
car il faudrait — pour nous aimer encore – trouver
du jour au lendemain, un temps volé au temps