

Reine gitane
J’étais la reine des gitanes
tabac brun à fumer corsé
enveloppé de vagues bleues
je régnais sur les étagères
des bars-tabacs de ton quartier
Ils ont largué mon look tzigane
pour des paquets marron foncé
des images de toux mortelle
de conséquences criminelles
tabac tabou à condamner
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J’étais la reine en filigrane
volutes claires et parfumées
membre d’un club de gentlemen
je flirtais avec les pur malt
et avec les cafés serrés
Ils espéraient que je me lasse
avant d’augmenter les tarifs
de me reléguer en terrasse
de me respirer sur l’asphalte
avec leurs pauvres airs fautifs
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J’étais la reine du Havane
sous sa robe de travelo
il me regardait m’envoler
il aimait mon côté diaphane
mes arabesques, mes saltos
Ils ont envoyé un cow-boy
pour occuper mes heures bleues
faire tournoyer mon tango
dans les bras d’un play-boy
sur les pistes de Marlboro
J’étais la reine courtisane
des prolétaires, des cols bleus
plus douce que la silicose
je choyais leur tuberculose
j’étais bon docteur à leurs yeux
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ils ont vidé mes cendriers
il n’y a plus que les bluesmen
les amoureux toxicomanes
et de temps en temps les clodos
qui collectionnent mes mégots
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Je suis la reine nymphomane
bien roulée dans mes petits papiers
jinterdite de zinc, en panne
déclarée pour l'éternité
sale enfumeuse de bistrot
​
Ils ont vendu mes allumettes
aux joueurs de loto sportif
à tous ceux qui grattent en cachette
en petits coups d’ongle furtifs
leurs évanescentes vignettes
Je suis la reine des savanes
griffes teintées de nicotine
tapie dans la pénombre
j’attends que ta fierté s’incline
que ta belle volonté sombre
Pour me recoller sur tes lèvres
te donner un baiser de fièvre
avant de te laisser fumer
en rêvant de reine gitane
ta bonne vieille marie-jeanne

2018