Vampire Lestat
L’étrange créature venait avec la lune
sur les collines sombres ou bien sur la lagune
et si vous promeniez certains soirs à la brune
vous pouviez à coup sûr rencontrer l’infortune
Ses lèvres découvraient sous leur beauté charnue
Un émail éclatant, porcelaine pourvue
De formidables crocs menaçants et pointus
Qu’il léchait lentement de sa langue fendue
Ses yeux jaunes brûlaient d’un éclat scandaleux
son visage étaient blême comme un carton poudreux
ses longues mains semblaient un parchemin terreux
et le bout de ses ongles brillaient d’un blanc cireux
Son enveloppe vide depuis cent ans au moins
attestait du vieux monde, en était le témoin
il ne respirait plus mais vivait néanmoins
n’ayant hormis l’amour aucun autre besoin
Son coeur durci et froid semblait toujours plus grand
plus généreux, plus droit que celui des vivants
qui sans aimer son goût font couler trop de sang
qui s’épanche et serpente comme un sombre ruban
​
Mais si vous approchiez de sa triste pâleur
ou si vous écoutiez ses doux propos trompeurs
il vous suivait la nuit, sensible à votre odeur
et vous volait votre âme et sa douce chaleur
De ses bras décharnés il entourait le corps
de sa tendre victime et lui donnait la mort
en un baiser lascif, léger, sans un remords
et l'éternel sommeil arrivait sans effort
​
Cet homme en rouge et noir, en dentelle salie
mort et pourtant vivant, souvenir assombri
d’un pardon refusé, son âme inassouvie
fait lever une aurore au soleil de minuit
Il est l’éternité, quand nous sommes si vite
arrivés et partis, sans issue explicite
aussi quand il nous offre une vie sans limites
nous baptisons l’enfer avec de l’eau bénite
En Louisiane et partout où les morts entrent en transe
les fantômes se lèvent et réclament vengeance
le vampire s’amuse et entre dans la danse
jusqu’à ce que le plein jour le réduise au silence