Crépuscule
Il est déjà si tard ?
Le ciel est de ce bleu bien sombre
qui allonge ou épaissit les ombres
faisant un dais royal au-dessus de nos têtes
alors que les étoiles aux lueurs incertaines
rejoignent dans l’oubli les anciennes planètes
Il est déjà si tard ?
Ne t’éloigne pas trop, le vent souffle un peu fort
ce n’est pas le moment de s’élancer dehors
le toit est très ancien, la charpente fragile
en arrivant du nord, la bise se déchaîne
elle arrache les épis et soulève les tuiles
Il est déjà si tard ?
J’ai remis à chauffer le poêle dans la chambre
sa flamme est basse, ajoute un peu de bois
nous devrons l’attiser jusqu’à la nuit prochaine
l’hiver approche vite, il fait déjà très froid
il faut nous protéger de ce mois de novembre
Il est déjà si tard ?
Je croyais avoir fait suffisamment de thé
pour que nous retardions encore le sommeil
et que blottis ensemble au creux du canapé
sous les couvertures de laine
nous profitions ensemble d’une soirée de veille
Il est déjà si tard ?
J’aimais tant notre vie, l’amour que nous faisions
nos livres, nos amis et les jolies rengaines
qui toute la journée s’en donnaient à coeur joie
pendant que nous drapions les murs de la maison
d’un tissu fin et doux comme un papier de soie
Il est déjà si tard ?
Le chat s’est installé en rond sur le fauteuil
il guette les fantômes, ne ferme jamais l’oeil
attendant patiemment que le sommeil nous prenne
car il pourra alors, nous sachant assoupis
sortir de sa tanière et chasser les souris
Il est déjà si tard ?
La lampe est toute pâle, son éclat disparaît
je ne vois plus tes yeux, je discerne avec peine
ta bouche, ton sourire, la forme de ton front
je ne sais plus de toi de moi qui est respiration
et ta main que je cherche, je ne peux la trouver
Est-il déjà trop tard ?
Nous aurions dû nous montrer plus fervents
au temps où nous étions de très jeunes amants
le désir l’emportait autant qu’il m’en souvienne
quand nos bouches avides se parlaient en baisers
et nos corps impatients, complices, s’apprenaient
Nous aurions dû nous montrer plus fervents
ainsi, nous pourrions croire, voyant la nuit tomber
que nous avons tenu les promesses échangées