Eau dormante
Si aux ébats charnels elle était plus encline
et me restant fidèle, se montrait libertine
mon coeur serait ardent, ma tendresse lascive
je serais bon amant pour la garder captive
allongée sous mon corps, dévêtue sur les draps
je la serrerais fort, la tiendrais dans mes bras
accrochée à mon cou, dévorée de regards
attentifs et jaloux, toute entourée d’égards
c’est encore à mon tour, dirais-je, de te plaire
consentante à l’amour, elle se laisserait faire
Mais elle ne veut pas céder à mes émois
elle demeure là, je n’entends pas sa voix
je l’entoure de soins, je m’inquiète de tout
je caresse sa main, me jette à ses genoux
rien n’y fait, elle ferme obstinément les yeux
garde les poings serrés, le visage sérieux
où est passée l’amante à l’âme passionnée
ce n’est qu’une eau dormante, elle ne veut plus aller
son humeur est rebelle, assurée, opiniâtre
elle me rendrait cruel, j’en viendrais à la battre
​
Toutes les nuits pourtant, elle partage mon lit
elle s’abrite dedans, glissée dans ses replis
évitant les frissons que mon souffle exhalé
dans un soupir profond pourrait lui procurer
quand je la vois là-bas, serrée dans son armure
au bout du matelas, bien loin contre le mur
j’interroge mon coeur, je cherche ses pensées
je la vois fuir ailleurs, je l’écoute rêver
dans un monde irréel tout peuplé de chimères
peut-être m’aime-t-elle dans un autre univers