Livre d'heures
Quand vient la nostalgie
le roman dont le titre
s’inscrit en capitales
au plafond de mes nuits
s’ouvre aux pages marquées
par un très vieux pétale
jauni, sec et froissé
et dans mon insomnie
chapitre par chapitre
je feuillette ta vie
alors, tandis qu'elle défile
la mienne languit en exil
Lentement, je dénombre
les âges, les jeunes années
je vois venir dans la pénombre
le bien-aimé, le mal-aimant
je vois défiler les promesses
les désirs, les songes floués
j'imagine tous ces moments
que j'aurais voulu partager
je m’interroge et je me blesse
à ton passé, à mon présent
​
Ce militaire en uniforme
si joyeux d'être permission
est-ce toi sur ce quai de gare
est-ce toi qui descend du train ?
il faut vite que je m’informe
sinon tu m'attendras en vain
j'ai mis ma robe et mes talons
j'ai beau courir, il est trop tard
je me suis trompée de chemin
tu es rentré à la maison
​
Tu n'aimais pas beaucoup l'école
quel métier auras-tu appris ?
étais-tu ambitieux, frivole ?
Voulais-tu conquérir le monde
à bras ouverts, à coeur vaillant
avais-tu l’âme vagabonde ?
le voyage que j’entreprends
me dira-t-il tes souvenirs
tes envies de partir, tes désirs
tes ambitions d’adolescent ?
Quel galant étais-tu avant tes fiançailles ?
quel jeune marié, quel amant ?
J’aurais voulu être ta blonde
jeter ton ancre dans mon port
pourquoi pas porter tes enfants
t'entraîner dans mes eaux profondes
pour que ton coeur batte plus fort
contre le mien et pour toujours
penser à tes autres amours
me fait du mal, mon coeur défaille
​
Mais je lève mon verre
à tes succès, à tes conquêtes
j'ignore malchance et revers
la vie qui se joue sous mes yeux
te déclare vainqueur, rayonnant
je veux oublier tes défaites
tes rêveries, tes maladresses
tes peurs ou tes renoncements
j’aime te voir heureux
tes chagrins me feraient tristesse
Le livre m'est tombé des mains
la fleur séchée s'est effritée
tes souvenirs se sont mêlés aux miens
désormais pour te retrouver
je n'ai que mes propres pensées