
Me and the Devil Blues

On avait mis tout notre argent,
tous nos espoirs, tout ton talent
pour faire un film sur la musique
de ce peuple noir d'Amérique
qui trime dans les abattoirs
de la grande ville des vents
que le L fait vaciller
assourdissant sur son passage
les guitares et les banjos
des cols bleus qui grattent le soir
devant les cafés, en hommage
au vieux sud délaissé, au pays
à la douceur du soir tombant
sur les bords du Mississippi
et aux souvenirs lancinants
de femmes aux hanches pleines
des mauvais hommes blancs
des croix ignées du ku-klux-klan
des champs de coton de la haine
des rires légers des enfants
il a fallu raccorder des amplis
pour entendre les mélodies
et se réfugier dans les caves
pour mieux écouter la voix grave
de Muddy Waters, du démon
qui s’appelle Robert Johnson
comme on le sait dans le delta
où les diables à l’harmonica
marquent le rythme et le tempo
en regardant couler le fleuve
rêvant de Sweet Home Chicago
et de la fin de leurs épreuves…
Chicago, tu m'as fait aimer
les riffs fluides ou saccadés
la note bleue, le vibrato
les accords amplifiés
les voix éraillées, les micros
les complaintes et les couplets
douze cordes, douze mesures
et quatre vers avec césure
