Note bleue
J’aimais le bleu quand j’occupais mon temps
à chercher dans l’éther le spectre des couleurs
du pourpre du matin aux bronzes du couchant
le ciel se nuançait dans l’encre et l’émeraude
J’aimais le bleu quand j’ai perdu l’azur et l’indigo
l’or a pu quelquefois remplacer l’outremer
et le rouge carmin ensanglanter l’ardoise
le noir a recouvert le lapis-lazuli
J’aimais le bleu quand le gris a gagné la palette
quand le blanc s’est noyé dans le vert et la boue
il n’est resté au fond qu’un pastel sans éclat
que le vent a bruni de feuillages rouillés
J’aimais le bleu quand j’y cherchais tes yeux
plus pâles ou plus foncés selon que tu m’aimais
mais ils se sont noyés dans l’écume givrée
sous la glace durcie ils sont restés figés
J’aimais le bleu quand mes cheveux ont pris
cette teinte de poudre et d’opaque fumée
qui reflète parfois les nuances d’acier
de mon âme accrochée aux lignes d’horizon
Dont le bleu est celui des minuits à venir
et des aubes blessées bleu barbeau ou charron
parfois couleur dragée parfois roi ou saphir
plus sombre et plus glacé que la brume bleutée
où s’égarait ma vie.