Extrait de mon premier roman "Le marquage des veaux", dont j'ai tiré une sonnette...
" Il avait parcouru des milliers de kilomètres sans autre dessein – croyait-il – que de mettre le plus de distance possible entre son passé et son avenir, entre le Nouveau-Mexique et l’horizon, entre Teresa et sa vie. Il avait choisi d’aller vers le Nord-Ouest parce qu’il n’avait aucun lien, aucun souvenir, et pour tout dire aucune affinité avec ces terres froides et venteuses. Sous des cieux tourmentés, il avait traversé de vastes étendues où se dressaient des fermes anéanties par les sécheresses, des clôtures brisées, des panneaux publicitaires rouillés, des mobile homes enfouis dans les hautes herbes, des tours de forage et des mines abandonnées. Il avait regardé des volées d’oiseaux noirs disparaître dans un ciel rouge sang, s’était arrêté dans des endroits poussiéreux qui se prenaient pour des villes parce qu’ils alignaient quelques baraques en rondins et une station-service. Il avait affronté le blizzard, dégagé le pick-up des ornières boueuses créées par les glissements de terrain ou des orages de fin du monde, regardé l’eau ruisseler comme torrent le long des vitres, avait même écouté pendant des heures des grêlons gros comme des noix marteler la tôle, persuadé qu’ils allaient finir par traverser le toit. "