
Monsieur Globe-trotteur
Je me souviens de ses récits à la Corto Maltese
Les alizés soufflant sur les mers argentées
et jusque sur les côtes où les hommes ordinaires
se transforment en tyrans, pirates ou négriers
des îles que le rhum rend révolutionnaires
et qui vendent pour rien leur âme libertaire
Je me souviens de ses chroniques à la Kessel
L’Erythrée, le Soudan, l’Afrique du levant
plusieurs générations qui n’ont vu que la guerre
au fond de ces tranchées où leurs nations s’enterrent
des lieux abandonnés dont le monde s’émeut
lorsque d’autres s’emparent de ses terrains de jeux
et que les French doctors lèvent leurs campements
Je me souviens de ses contes à la Le Carré
Des compromis, du jeu des ambassades
les mosquées achetées en bons pétrodollars
des aumônes, des fleurs, des embrassades
les gosses armés de kalas, leur raffut
dans la jungle les hélicoptères au rancart
embusquée, la banque mondiale à l’affût
Je me souviens de ses histoires à la Monfreid
Ces pays dont le sol est chaud comme l’enfer
dévasté, affaibli par des rois négligents
qui affament les peuples et les enfants
laissent creuser les sables du désert
et signent sans broncher un pacte avec Satan
pour vendre leurs diamants de sang

Je me souviens de ses fables à la Hemingway
Quand j'ai su qu'il était vantard
qu’il était aussi mauvais père
menteur, flambeur et adultère
quand j’ai compris un peu trop tard
qu’il y a des hommes à éviter
le mal était fait : j’étais folle des aventuriers
